11 Fév Article de l’Independant : Pourquoi la MDA de l’Aude est devenue un acteur clé dans le paysage de la santé mentale
Pourquoi la Maison des adolescents de l’Aude est devenue un acteur clé dans le paysage de la santé mentale

Le 12 juin 2024, les nouveaux locaux carcassonnais de la Maison des adolescents étaient inaugurés.
En 2019, l’organisation de la Maison des adolescents a été confiée à l’association départementale des pupilles de l’enseignement public de l’Aude. Une réussite, à lire le rapport de la chambre régionale des comptes Occitanie consacrée à la structure et publié en décembre 2024. Malgré un bémol qui, en définitive, ne fait que souligner le manque de moyens de la psychiatrie.
Le 10 octobre 2024, neuf jours après la déclaration de politique générale de Michel Barnier, sa ministre de la Santé Geneviève Darrieusecq livrait quatre objectifs prioritaires pour faire de la santé mentale, avec 600 M€ fléchés, la « Grande cause nationale » 2025. Parmi eux, l’amélioration de l’accès aux soins. Avec, parmi les objectifs chiffrés, le doublement d’ici 2027 du nombre de maisons des adolescents (MDA, 125 fin 2024). Un objectif dont devait être dispensée l’Aude. Car depuis 2019 et 2021, la MDA carcassonnaise et son antenne narbonnaise sont clairement identifiées dans le paysage audois de la santé mentale.
Santé mentale, grande cause nationale en 2025
Interviews de professionnels, témoignages de personnes concernées et de proches, état des lieux de la prise en charge, moyen alloués… La santé mentale a été qualifiée de « grande cause nationale » en 2025 par les gouvernements de Michel Barnier et de François Bayrou. À l’occasion des 20 ans de la loi du 11 février 2005 qui reconnaît les handicaps engendrés par les troubles psychiatriques, L’Indépendant a voulu en savoir plus sur leur reconnaissance.
Nécessaire, quand le projet territorial de santé mentale (PTSM) 2018-2022 alignait les inquiétantes statistiques dans l’Aude : avec le suicide pour 2e cause de décès chez les jeunes après les accidents de la circulation ; et, proportionnellement à sa population, un rang de 3e des 13 départements d’Occitanie à enregistrer le plus grand nombre de passages aux urgences pour « geste suicidaire » chez les 10-24 ans. En septembre 2019, la MDA ouverte à Lézignan était dissoute. Fin de l’aventure d’une structure, sans doute trop éloignée des besoins et du public visé, les 11-21 ans. Place à l’association départementale des pupilles de l’enseignement public de l’Aude (ADPEP 11), chargée de gérer la MDA avec le soutien de l’agence régionale de santé : à Carcassonne et Narbonne, où sont recensées 8 156 et 9 394 jeunes de 11 à 21 ans, donc ; mais aussi depuis mars 2021 avec un Ado’Bus sillonnant l’Aude pour deux permanences mobiles par semaine (140 entretiens en 2023) ; et, depuis mars 2022, un psychologue présent 3 heures tous les 15 jours dans les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de Narbonne et de Carcassonne. Une action sur laquelle s’est penchée la chambre régionale des comptes d’Occitanie, publiant le 16 décembre 2024 un rapport d’observation définitive sur les exercices 2019 à 2023 de la MDA.
Mission accomplie
Un « espace tiers non stigmatisant, confidentiel, gratuit, proposant un accueil et une écoute par des professionnels » ; un « travail de repérage, d’évaluation et de prise en charge pour permettre, si besoin, une entrée adaptée dans un parcours de soins » ; une « contribution à la prévention et à la détection des fragilités psychiques des jeunes ». Voilà résumés par le rapport de la CRC les objectifs d’une MDA. Dans l’Aude, considère la chambre, un « maillage satisfaisant du territoire » permet donc à la MDA de s’inscrire « dans les priorités définies par le PTSM pour proposer un premier accueil aux jeunes, à leurs parents et aux professionnels en éprouvant le besoin ».
Parmi les priorités figuraient quatre actions « confiées » à la MDA : « améliorer la coopération entre les acteurs », « réaliser des actions d’information, de sensibilisation et de communication », « organiser des journées d’échange thématiques à destination des jeunes, de leur entourage et des professionnels » et « renforcer l’offre d’accueil et d’accompagnement notamment par la mise en place d’une antenne sur Narbonne ». Un sans-faute ? Presque. Car au bout des 35 pages de rapports, figurent deux recommandations : mettre en place une stratégie spécifique « d’aller vers » les parents, stratégie « partiellement mise en œuvre » par la MDA, considère la CRC après réponse de l’ADPEP ; mais aussi « organiser la coopération avec les centres médico-psychologiques », recommandation cette fois considérée comme non mise en œuvre. Des avis que les responsables de la MDA tempèrent, on le verra plus loin. Reste une certitude à la fin de la lecture du rapport : la MDA a trouvé son public.
+ 200 % pour la file active
6 000 séjours hospitaliers associés à une tentative de suicide en Occitanie, chaque année, chez les 10 ans et plus entre 2017 et 2021 ; des passages mensuels aux urgences pour idées suicidaires des 11-24 ans en hausse de près de 60 % entre 2017-2019 et 2020-2021. Deux indicateurs pour dire l’urgence. Des besoins que la fréquentation de la MDA de l’Aude confirme. La file active (jeunes et adultes) est passée de 200 personnes en 2020 à 700 en 2023 : + 200 %, tout simplement. Et le nombre de jeunes reçus suit : en hausse de 16 % entre 2021 et 2023 (de 479 à 558). Parmi eux, beaucoup d’elles : 71 % de filles ou jeunes femmes. Logique, estime la CRC, au regard de « la fragilité spécifique de ce type de public ». Sans oublier les 110 interventions collectives menées en 2023, avec 2 621 personnes rencontrées, dont 73 % de jeunes, 14 % de parents et 10 % de professionnels.
Et la CRC a des idées pour accroître le champ d’action de la MDA, et poursuivre l’action entreprise auprès des étudiants suivis jusqu’à 21 ans : en élargissant la prise en charge jusqu’à 25 ans, le nombre de jeunes susceptibles d’être accompagnés augmenterait de 29 %. Seul bémol : le recul de 37 % du nombre de personnes de l’entourage familial accueillies (221 en 2021, 139 en 2023). D’où la recommandation de « l’aller vers ». Une démarche engagée, assure la MDA, avec « Les ateliers parents », « Les parent’hèmes », mais aussi les ateliers « Level’Up », à destination des jeunes décrocheurs et de l’Education nationale.
Le mal-être
La MDA, au cœur des questions de santé mentale ? Oui, à lire le rapport d’activité 2022 : « Les sujets les plus abordés par les jeunes concernent la santé physique et mentale et en premier lieu le mal-être (17 % du total) et les angoisses (10 %) ». Les sujets abordés en second lieu ont trait « aux conflits familiaux (13 %), aux relations avec l’école (décrochage scolaire, 5 %, harcèlement et violence, 5 %) et à des problématiques liées à la vie sexuelle et affective (problèmes de relations de couple, 3 %, agressions sexuelles, 3 %) ». Autant de sujets qui mènent à 1 435 entretiens par an, soit 388 par équivalent temps plein (ETP) « pouvant en mener ». Avec, au 1er semestre 2023, un délai d’attente estimé pour un premier entretien au maximum d’une semaine. Mais, signe du « succès » et d’une inscription dans le paysage renforcé (de 65 à 232 partenaires entre 2019 et 2023), le délai d’attente en avril 2024 était estimé à un mois. Reste la satisfaction, sur la période 2021-2023, d’avoir vu la majorité des entretiens menés par les psychologues (48 %). Un point qui vaut à la CRC de s’inquiéter de l’absence de ressource de pédopsychiatre ou de médecin et d’une ressource en psychologue de 0,5 ETP en 2023. Dans sa réponse, l’ADPEP précise que, suite au recrutement d’une psychologue, la ressource est bien d’1,3 ETP. Suffisant ? Sans doute pas. Mais la MDA est bien loin d’être la seule structure œuvrant dans la santé mentale à faire avec le minimum.
Quel lien avec les centres médico-psychologiques ?
« La MDA 11 oriente des jeunes vers les CMP et inversement », précise le rapport de la CRC. Avant de regretter : « Cependant, il n’existe ni convention formalisée ni procédure encadrant des échanges directs entre les professionnels. » Et de détailler cette absence : « Aucune fiche de liaison n’est réalisée, ni de prise de rendez-vous prioritaire, alors même que les délais pour obtenir un rendez-vous aux CMP de Carcassonne sont de l’ordre de six mois et d’un à trois mois pour le CMP de Narbonne. » De quoi recommander de rendre la liaison à « plus opérationnelle », en rappelant que les CMP sont « la principale porte d’entrée en soins psychiatrique, permettant une gradation du parcours de soins du patient ». Une gradation aujourd’hui bien limitée : les hospitalisations en service de psychiatrie provenant des urgences des hôpitaux de Narbonne (30 %) et de Carcassonne (32 %) sont ainsi plus importantes que la moyenne régionale (12 %). Et la CRC de considérer que « le parcours préventif, qui repose en partie sur les MDA et les CMP, ne permet donc pas de prévenir suffisamment une crise psychiatrique ». Oui, a répondu l’agence régionale de santé. Avant de constater l’évidence : « La saturation des CMP constitue actuellement un frein à cette coopération. »
Retrouvez cet article publié le 10/02/2025 sur le site de l’Indépendant : https://www.lindependant.fr/2025/02/10/pourquoi-la-maison-des-adolescents-de-laude-est-devenue-un-acteur-cle-dans-le-paysage-de-la-sante-mentale-12491238.php
Sorry, the comment form is closed at this time.